L'acquisition tueuse constitue une menace pour les jeunes entreprises innovantes car l'opération sous les seuils communautaires ou nationaux n'est pas « contrôlable » au regard du droit européen des concentrations. Le rachat de start-up est donc une source de crispation pour les régulateurs qui ne peuvent examiner l'opération sous les seuils quantitatifs malgré les effets potentiellement dommageables à la concurrence. Cette hypothèse de « non-droit » permet aux opérateurs dominants de vivre à l'abri de la pression juridique du contrôle des acquisitions des jeunes entreprises réalisées dans le but d'éliminer un concurrent potentiel.
La Commission européenne tente de répondre à ce problème de concurrence à travers la qualification d'un nouveau comportement infractionnel du nom de « killer acquisition », traduisant littéralement l'acquisition tueuse ou meurtrière. Pour réguler ce comportement, la Commission propose une nouvelle lecture de l'article 22 du règlement (CE) n° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations en permettant à une autorité de concurrence de leur renvoyer une affaire dont la dimension ne déclenche aucun seuil national de contrôlabilité. L'interprétation extensive de l'article 22 est contestable pour deux raisons : d'une part, cette interprétation élargit de façon excessive le champ d'application du règlement européen sur les concentrations. Elle étend considérablement la portée de l'article 22 au risque de dénaturer l'objet véritable du droit des concentrations qui consacre une régulation ex ante à travers l'analyse de seuils quantitatifs. D'autre part, cette nouvelle lecture qui semble poursuivre un objectif légitime se réalise au moyen d'une méthode d'interprétation contestable peu conforme à certains principes fondamentaux de droit de l'Union.
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